Un drame unit les habitants d'une petite ville.
Un avocat vient attiser leur haine, pour apaiser ses propres démons.
Dans cette ambiance de méfiance et de doute, une adolescente parviendra
à reconquérir sa dignité, et à préserver l'unité de la communauté.
Grâce à son courage, tous les habitants pourront vivre, apaisés, au pays
des "beaux lendemains", cette terre qui abrite tous ceux qui, sans colère,
acceptent leur destin.
Avec : , Peter Donaldson
Fiche complèteDe beaux lendemains
Réalisateur : Atom Egoyan
Sortie en salle : 08-10-1997
Avec :
, Peter Donaldson
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Bande annonce
- 110 min
- Canada
- 1996
- Scope
- Dolby Digital
- Visa n°92.830
Synopsis
Un drame unit les habitants d'une petite ville.
Un avocat vient attiser leur haine, pour apaiser ses propres démons.
Dans cette ambiance de méfiance et de doute, une adolescente parviendra
à reconquérir sa dignité, et à préserver l'unité de la communauté.
Grâce à son courage, tous les habitants pourront vivre, apaisés, au pays
des "beaux lendemains", cette terre qui abrite tous ceux qui, sans colère,
acceptent leur destin.
Crédits du film : © 1997 EGO FILMS ARTS. Tous droits réservés
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Fiche artistique
Schwartz Peter Donaldson
Billy Ansell Bruce Greenwood
Wanda Otto Arsinée Khanjian
Sam Burnell Tom McCamus
Nicole Burnell Sarah Polley
Dolores Driscoll Gabrielle Rose
Risa Walker Alberta Watson
Zoe Stephens Caerthan Banks
Fiche techniqueScénario & mise en scène Atom Egoyan
D'après le roman de Russel Banks
Producteurs Camelia Frieberg
Producteur associé David Webb
Producteurs exécutifs Robert Lantos
Photographie Paul Sarossy
Décors Phillip Barker
Costumes Beth Pasternak
Musique Mychael Danna
Création sonore Steve Munro
Montage Susan Shipton
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Atom Egoyan &
Russel BanksComment avez-vous découvert le roman de Russell Banks, dont le film est l'adaptation?
Atom Egoyan: C'est ma femme, Arsinée, qui me l'a offert, et c'était le premier livre de Russell que je lisais. Ce fut une révélation. Ce livre nous plonge dans un monde très simple, qui doit faire face à des questions morales essentielles. Il raconte l'histoire d'une communauté, confrontée à une catastrophe, et comment elle réagit. Il décrit la collision entre le quotidien et l'exceptionnel. Ce qui m'a fasciné était le besoin qu'ont les habitants de cette petite ville de raconter leur histoire, de dire leur vérité. Il y a dans le livre une passion et une urgence, qui vous obligent à écouter.
La difficulté était de recréer ce sentiment d'impérieuse nécessité, de le transcrire en images. Il fallait instaurer un climat de confiance avec le spectateur, comme Russell le fait avec le lecteur, lui faire comprendre qu'on va lui raconter la vérité, qu'elle vaut la peine d'être écoutée, et que cette histoire qui arrive à d'autres le concerne aussi. Le livre est raconté en voix-off. C'est une forme narrative que j'ai toujours évitée dans mes films. Il fallait donc que je trouve une autre façon de raconter les histoires de ces personnages, sans retranscrire leurs mots. J'ai cherché une forme qui me permettrait de faire passer ce que Russell essaye de nous dire.
Russell Banks: La forme du film est très inventive. Quand j'ai écrit ce livre, je me souviens m'être dit: "Si un de mes livres doit un jour être porté à l'écran, une chose est sûre: ce ne sera pas celui-là". Parce que le livre est construit comme une spirale. Chaque narrateur reprend et recoupe celui qui l'a précédé. Il n'y a pas un héros, mais toute une communauté qui incarne le courage, la volonté, les valeurs morales qu'on attribue généralement à un personnage principal. Atom a reconstruit l'histoire en l'éclatant dans le temps, ce qui est très judicieux. Un livre, on peut le reprendre, revenir en arrière. Comme on ne peut pas en faire de même avec un film, il a superposé plusieurs époques différentes autour du cœur du récit, et nous fait naviguer entre l'avant, l'après, le pendant...
Atom Egoyan: J’ai toujours aimé cette forme de narration. Avec ce film, je suis allé plus loin dans cette direction qu’avec mes films précédents. Il y a près de trente temps différents. Mais la narration est si simple, et les impératifs émotionnels si clairs, qu’on absorbe facilement les sauts dans le temps les plus ambitieux. On se situe toujours par rapport à ce qui est en train de se passer.Pourquoi avoir tourné le film en scope ?Atom Egoyan: Il y a deux raisons qui m'ont conduit à faire ce choix. La première, c'est la plus évidente. Grâce au scope, le paysage prend une dimension épique, mythologique. La seconde, aussi importante à mes yeux, c'est que pour filmer une conversation entre deux personnes, le scope vous permet de vous placer exactement à la bonne distance, c'est à dire une distance naturelle, proche sans l'être trop, suffisamment pour créer une intimité, sans avoir à choisir entre les deux interlocuteurs. Le scope permet également, quand vous filmez un visage, un personnage, de montrer en même temps son environnement. Enfin, le scope permet une extraordinaire saturation des couleurs. En fait, mes formats préférés sont, soit le scope, soit le 1.66 que j'ai utilisé pour "Exotica". Le 1.85 essaye de faire la part des choses entre les deux autres, mais je trouve que c'est un format bâtard. Dans "De beaux lendemains", le personnage principal, Ian Holm, incarne l'étranger qui entre dans la ville. C'est une image de western, et immédiatement, c'est en scope qu'on a envie de la voir. J'ai donc su très tôt, dès l'écriture, que je tournerai ce film en scope.La mise en scène du film est d'une grande fluidité, comme si vous cherchiez à nous faire flotter entre terre et ciel, entre réalité et mythe...Atom Egoyan: Ce sont vraiment des choses qu'on fait instinctivement. Je pourrais vous le justifier aujourd'hui de façon intellectuelle, mais franchement, ce qui a motivé mes choix est très simple. Les personnages du film, les habitants de cette ville ont vécu un choc, une catastrophe. Leur sens de la réalité est déformé, ils flottent. Ils ont perdu leurs repères, plus rien ne veut rien dire. Il y a aussi Nicole, cette adolescente qui tente de redéfinir une relation dont les fondements ont été soudain altérés, inexorablement. J'ai donc essayé de traduire visuellement ce sentiment, ce mouvement entre la réalité et le rêve, qui accompagne très bien la structure du récit, qui oscille entre l'avant et l'après. Tout cela confère au film cette qualité, cette impression de flottement dont vous parlez. Ce qui est magique avec le cinéma, c'est notre désir de croire à l'histoire qu'on va nous raconter. Face à ce désir, à cette énorme confiance du spectateur, le réalisateur jouit d'une liberté incroyable. J'ai donc pu créer un monde à la fois nouveau et familier.Ce film est très différent de “Exotica”...Atom Egoyan : Par certains côtés, les deux films sont très différents. “Exotica” existait dans un environnement qui fonctionnait sur la séduction. On était d’abord séduit par le cadre où se déroulait le film, puis on discernait progressivement la douleur et les traumatismes qu’il abritait. Dans “De beaux lendemains”, c’est le détail et la texture de ces vies qui vous absorbent et vous entraînent au coeur de leur drame. En revanche, certains thèmes sont présents dans les deux films. “Exotica” se termine sur le plan de Christina se dirigeant vers la maison. Ce qui se passe dans cet endroit a beaucoup influencé le cours de sa vie. Elle n’est pas protégée dans cette maison. Et “De beaux lendemains” nous entraîne à l’intérieur de la maison. Je suis fasciné par les thèmes de l’abus et de la transgression. Pourquoi, comment cela se produit, quelles en sont les conséquences. Dans “Exotica”, Christina perpétue ce qu’elle a vécu. Dans “De beaux lendemains”, Nicole brise le cycle infernal avec une intelligence incroyable. Brusquement, grâce à ce qu’elle fait lors de sa déposition, elle s’en sort. Et son courage, sa sagesse, sa lucidité, me fascinent.
Russell Banks: Quand Atom m’a envoyé “Exotica”, je n’ai pas tout de suite vu le rapport avec mon livre. Mais j’ai reconnu les mêmes obsessions. Le chagrin, les relations entre les différentes générations, les enjeux moraux, comment quelque chose d’insignifiant peut devenir quelque chose d’essentiel. Puis j’ai vu tous ses films, et il m’a vite semblé évident que si un jour, quelqu’un devait adapter un de mes livres, c’était forcément lui.
Atom Egoyan: J’ai rarement dans ma vie eu autant le trac que le jour où j’ai envoyé le premier jet du scénario à Russell. C'était la première fois que j'adaptais l'œuvre de quelqu'un d'autre, et je voulais son approbation. Il fallait que ce qui l'avait inspiré à écrire le livre inspire aussi le film. L'ironie, c'est que la partie du livre qui m'a fait dire “je vais adapter ce roman”, et qui est son point d'orgue, a disparu du film.
Russell Banks: C'est normal, un film est bien plus subtil qu'un roman. Dans le livre, pour créer cette catharsis, j'ai dû faire appel à toute la machinerie, convoquer toute la communauté. Dans le film, c'est remplacé par la scène de la déposition, et la voix à peine audible de Nicole. Atom a bien fait de ne pas garder la fin du livre. Adapter ne signifie pas rester fidèle. Prenez l'exemple de "Ironweed". Un livre magnifique, un film raté. Il faut trouver la petite flamme qui anime le livre, et jeter tout le reste si besoin est, afin de transmettre cette flamme au film.Qu'est-ce qui a inspiré l'écriture du roman?Russell Banks: J'avais lu dans un journal l'histoire de l'accident d'un car de ramassage scolaire qui avait bouleversé l'existence d'une petite communauté de mexicains-américains. Dans ce village assez pauvre et isolé ont débarqué des avocats. Ils ont poussé les habitants à faire des procès à la ville, puis ils se sont faits des procès entre eux. Toute la communauté s'est déchirée. J'ai transplanté cette histoire dans le Upstate New York, là où j'habite. Mais pour l’écrire, et faire parler les habitants de cette communauté, il fallait que je trouve leur voix, leur ton. Comment parle-t-on d'un drame d'une telle intensité? J'ai eu accès aux dépositions de nombreux parents. Ils employaient un langage posé, neutre, et très précis. Ils s'efforçaient à être le plus clair possible, comme s'ils espéraient trouver une cohérence dans ce drame irrationnel.
Atom Egoyan: Ce besoin d'être clair et précis, c'est leur façon de survivre. Certains se réfugient dans la religion, qui les console en disant qu'il y a un plan, un ordre aux choses. Par exemple, ce qui est de plus en plus fréquent de nos jours dans nos sociétés, ce sont les enfants renversés par des conducteurs en état d'ivresse. Et bien, les parents fondent des associations. Cela les aide à transformer le négatif en positif, à donner un sens à leur tragédie. Ils peuvent se dire que leur drame servira à en empêcher d'autres.Ce drame qui est au cœur du livre, est devenu, dans le film, une métaphore.Atom Egoyan: C'est là où je voulais emmener le récit, et quand j'ai relu le poème de Browning "Le joueur de flûte", j'ai trouvé qu'il explicitait parfaitement ce qui était pour moi central au livre. Le livre est comme une version moderne du poème, c'est la même histoire. Les enfants quittent la communauté, ils suivent le joueur de flute. Quand, dans le film, le petit garçon écoute la baby-sitter
lui lire ce poème, et lui demande: "Si le joueur de flûte est si puissant, pourquoi n'a-t-il pas forcé les parents à lui payer ce qu'ils lui devaient, au lieu de les punir en emmenant leurs enfants?", il pose la question qui est au cœur du film.
Russell Banks: C'est vraiment une idée que j'aurais souhaité avoir, et aujourd'hui, si je publiais une nouvelle édition du roman, j'ajouterais ce poème. Il a tellement sa place dans cette histoire, il permet d'en faire une parabole, un mythe.
Atom Egoyan: On peut se demander qui est le joueur de flûte, dans cette histoire? Nicole, naturellement. Elle est la plus âgée des enfants. Elle est musicienne. Les enfants disent que le joueur de flûte est un magicien. Nicole est une magicienne. Elle invente même une communauté virtuelle, celle où l'on vit heureux, dans "De beaux lendemains".D'où vient l’expression "De beaux lendemains” ?Russell Banks: C'est extrait d'un vieux "negro-spiritual", La phrase exacte est: “In the sweet hereafter, we'll be together”. “Dans De beaux lendemains, nous vivrons tous ensemble”. Ce qui est à rapprocher d'une strophe du "Joueur de flûte":
" Comme eux, je devais, moi aussi,
aller vivre en ce paradis,
où les fleurs ont couleur plus belle
et où toute chose est nouvelle"
Vous voulez dire que le chagrin fait de nous les habitants d'un autre monde?
Russell Banks: Ma mère a perdu un enfant, mon frère, quand il avait dix-sept ans, dans un accident de train. C'était il y a trente ans de cela, j'en avais vingt-huit. J'ai attendu que ma mère se remette du deuil, ce qu'elle a fait. Mais encore aujourd'hui, à quatre-vingt deux ans, il y a dans sa vie un avant, et un après. Elle n'a rien d'une mère grecque, elle ne porte pas de voiles noirs, elle vit normalement. Mais son monde a changé, un monde dont les paramètres sont définis par la perte de cet enfant. Et pas un jour ne passe sans qu'elle se lève en se demandant pourquoi. Pourquoi cet accident, ce jour-là? C'est une chrétienne. Avant l'accident, sa vie était pleine de réponses. Maintenant, sa vie est dominée par une question.
Et, pour aider les parents à affronter cette question, un avocat, Mitchell Stevens, leur conseille de faire un procès...Atom Egoyan: Quand un drame arrive, on est confronté à son chagrin. Certains l'évitent, le contournent, et se réfugient dans la colère. C'est le cas de Stevens. Il est venu pour attiser la colère des parents. Il éprouve le besoin compulsif de représenter la colère des autres, car il y trouve du réconfort. Stevens est dans une situation très proche des habitants de ce village. Sa fille est vivante, mais il l'a perdue. Alors, il se sert de la colère des parents pour fuir ses propres démons. Stevens utilise sa profession pour s'arranger de ses névroses. Il est un "adjuster". C'est un homme brillant, et dangeureusement intelligent. C'est un joueur de flûte, l'air qu'il joue fascine les habitants. C'est un Iago. Il sème le trouble dans les esprits.
Comment avez-vous choisi Ian Holm pour incarner Stevens?Atom Egoyan: Ian est un acteur anglais. Il n'a jamais besoin de piocher dans sa propre expérience. Il joue, tout simplement, avec un degré de précision dans le jeu qui m'émerveille. J'aime sa séduction, qui est toujours dangereuse. J'avais besoin de son intelligence, de sa capacité à s'insinuer dans l'inconscient du spectateur, avec un minimum d'effets. Il joue un avocat, donc, un homme dont la profession est d'être acteur. Il contrôle parfaitement chaque muscle de son visage, et même quand il joue un "gentil", il y a quelque chose d'inquiétant en lui.
Nicole est interprétée par l'actrice qui jouait Tracy dans "Exotica".Atom Egoyan: Et dans les deux films, elle est baby-sitter... Sarah Polley est une actrice remarquable de subtilité, de sensibilité. Elle a perdu sa mère très jeune. Elle connaît ce genre de colère, ce genre de chagrin, dont parle le film.Vous êtes-vous demandé si le spectateur accepterait, le temps d'un film, de se confronter à un tel drame?Atom Egoyan: C'est à cela que servent les films. Affronter les choses les plus extrêmes. Les regarder en face, les analyser. Imaginer ce qu'on craint d'affronter dans la réalité, c'est le rôle de l'art. Peut-être que cela nous apporte des moyens formels d'affronter les choses qui nous font peur. Dans la vie, on passe son temps à éviter des réalités telles que la mort des enfants. Mais on est entouré par elle, au quotidien. Dans nos sociétés actuelles, où l'on fait moins d'enfants, on investit davantage en eux, et cela devient encore plus insoutenable. Jadis, quand les familles étaient très nombreuses, perdre un enfant était acceptable. Je lisais une biographie de Bach. Il a eu vingt-deux enfants, et en a perdu plusieurs, mais on l'acceptait à l'époque. Aujourd'hui, l'enfant est crucial.
Russell Banks: Aujourd'hui, on attend de nos enfants qu'ils nous apportent un statut social, et également qu'ils nous accordent leur pardon. On veut sentir à travers eux qu'on est de bons parents, qu'on s'en sort bien. On a fait tout ce que l’on nous a dit de faire pour eux. On leur a acheté les habits qu'il fallait, la télé qu'il fallait, la voiture qu'il fallait. On s'est laissé manipuler par la société de consommation, qui s'est infiltrée dans notre relation avec nos enfants. Mais aujourd'hui, on se sert de nos enfants, au lieu de les protéger et de les respecter.
Pourquoi perdons-nous nos enfants? C'est cela, le thème central du livre et du film. Ma réponse est: parce que nous les avons abandonnés. Nous ne les protégeons plus. Aujourd'hui, c'est la télévision qui veille sur eux plus que nous. Vous savez, on dit que, quand le canari cesse de chanter, c'est parce que la pièce manque d'oxygène. Nos enfants sont comme les canaris. On perd de l'oxygène. Elle est là, la tragédie. Nous perdons tous nos enfants, soit tragiquement dans un accident, soit petit à petit, au quotidien. L'être humain est une espèce qui a sans cesse besoin qu'on lui rappelle ce que c'est que d'être humain. Un chien n'oublie jamais ce que c'est que d'être chien. Etre humain, c'est posséder une conscience morale et sociale. Cette prérogative, nous l'avons oubliée. Ce ne sont pas les enfants qui disparaissent. Ce sont les parents qui les abandonnent. Depuis que la télévision est entrée dans les foyers, et avec elle, la société de consommation, le foyer a cessé d'être ce lieu sacro-saint qu'il était avant. La télévision nous a libérés du poids qui consiste à élever nos enfants. En échange, nous les avons perdus. Pour en revenir à votre question, bien sûr que cela nous fait peur d'y penser. D'ailleurs, j'ai attendu que mes enfants soient grands, qu'ils n'habitent plus chez nous, pour achever l'écriture de ce livre. Et je me demande comment Atom a pu faire le film, alors qu'il a un très jeune fils.
Atom Egoyan: Parce que j'ai un enfant, je trouve que le temps est venu pour moi d'affronter ces peurs, cette peur fondamentale qui s'installe en nous dès que l'enfant naît. Dans quel monde allons-nous les élever? C'est ce que dit un des personnages de "Exotica". La question n'est pas: "Qui nous a mis au monde?", mais plutôt: "Qui nous demande d'y rester?". En réalité, quand j'ai lu le roman de Russell pour la première fois, je n'avais pas encore d'enfants. Mais je me suis senti tout de suite attiré par le personnage de Nicole, par la façon incroyable avec laquelle elle reconstruit sa dignité. C'est un être humain exceptionnel, la seule dans l'histoire qui soit capable d'affronter Stevens, de s'opposer à lui. La seule qui protège les enfants, et qui, par sa déposition, préservera la cohésion de la communauté. Il y a une énorme responsabilité à dire la vérité. Nicole dit la vérité, et ce faisant, en exprime une autre, que seul son père, Nicole, et le spectateur connaissent. Et pour dire cette vérité, elle passe par un mensonge.
C'est cela qui m'a attiré dans le roman. Comment affronter la vérité et se réconcilier avec elle pour poursuivre sa vie.
Cette vérité, la relation incestueuse qu'elle a avec son père, est très différente des relations violentes qu'on décrit d'habitude...Atom Egoyan: Nicole a avec son père une relation plus romantique qu'elle ne l'était dans le livre. C'est pour cela que j'ai rajeuni le personnage du père. Je voulais montrer une autre forme d'inceste. Celui-ci n'est pas basé sur la force, la violence. Il est né d'une confusion, d'un amour trop intense qui a déraillé. Son père et elle se sont créés un monde secret. La nuit, les bougies, c'est presque irréel, pourtant il y a à l'intérieur de ce monde une violence fondamentale. C'est là où ce film s'inscrit dans la continuité d’"Exotica". Sans l'accident, Nicole aurait continué à avoir les mêmes rapport avec son père. Elle serait devenue comme Christina. Mais là, elle a soudain la possibilité de tout briser, de casser ce rapport. Et elle le fait, elle se rachète à ses yeux et rachète du même coup la communauté, qui ne pourra plus s'abriter derrière la colère et pourra enfin être réunie dans le pays des "Beaux lendemains".Après "Exotica", et avant de faire ce film, il a beaucoup été question que vous tourniez un film américain pour un grand studio hollywoodien...Atom Egoyan: Ils sont très forts, les gens de Hollywood. Ils vous disent ce que vous avez envie d'entendre, vous offrent une réponse à vos frayeurs les plus intimes, vous persuadent que vous ne pouvez pas aller plus loin dans la direction que vous aviez choisie jusqu'ici. Ils vous offrent la possibilité de faire des films qui seront vus partout, par tout le monde, et présentent cela d'une façon qui semble très satisfaisante artistiquement. Ils vous traitent comme un artiste à part entière, vous donnent de l'argent pour ne rien faire, et vous flattent en vous présentant tous ceux que vous rêviez de rencontrer.
Russell Banks: J'ai eu droit moi aussi à la cour que vous fait Hollywood, et c'est comme si on avait introduit une substance étrange dans votre verre. Vous êtes grisé par le luxe, l'attention, l'argent, on vous protège de la réalité afin que vous perdiez pied, que vous basculiez dans leur monde.
Atom Egoyan: Finalement, j'ai renoncé à ce projet et quand je me suis retrouvé, un matin d'octobre, sur le décor neigeux du tournage de ce film, avec l'équipe que je voulais, dans ce paysage glacé, je me suis dit: "Je fais le film qui me tient à cœur, c'est mon film, je n'ai de comptes à rendre à personne, et le film sera vu par ceux qui ont envie de le voir". Et, là-haut, sur cette montagne, je me suis senti comblé.
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Récompenses
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