The Bay

Dans la baie de Chesapeake vit une bactérie qui dévore la chair. Elle ne s’attaque pas à tous les gens qui se baignent. Seulement à quelques-uns. Ceux qui sont infectés perdent une jambe, un bras… n’importe quel membre. Et s’ils restent sans soin, ils meurent dans les vingt-quatre heures. Cette bactérie prend de plus en plus d’ampleur chaque année.

Environ 40% de la baie consiste en une “zone morte”. Des centaines de milliers de poissons échouent sur les plages, sans que personne ne sache exactement pourquoi. Même les mouettes ne mangent pas ces poissons. Dans divers océans autour de la planète, une créature jadis limitée au Golfe de Californie apparait désormais. On l’appelle l’isopode “mangeur de langue”. Ce parasite pénètre à l’intérieur d’un poisson par les branchies et le dévore petit à petit, jusqu’à atteindre l’emplacement de sa langue et la manger pour s’y mettre à la place. On en a retrouvé un récemment en Angleterre, qui mesurait environ 60 cm de long. L’isopode était en train d’essayer de s’introduire à l’intérieur d’un sous-marin de recherche, parce qu’il l’avait pris pour une baleine morte. L’isopode “mangeur de langue” est d’une nature démoniaque. On le trouve désormais dans plus d’un tiers des poissons de certaines espèces.

Tous ces éléments servent de base à “The Bay”. Prenez les faits, attendez qu’ils atteignent le point de non-retour et vous voilà confronté à un désastre écologique majeur du genre mortel, terrifiant et bien réel. J’insiste sur le fait que ce soit réel. La société de production Frontline a fait un excellent documentaire sur ce sujet mais, malgré ça, rien n’a été entrepris pour nettoyer les déchets toxiques. Comme on peut vite se sentir dépassé par toutes ces informations, je me suis dit qu’il serait plus efficace d’intégrer ces faits au coeur d’une fiction, tout en donnant l’impression aux spectateurs qu’ils sont en train de regarder un documentaire. L’idée était de le faire pour un microbudget, sans acteurs connus, et de le tourner avec des iPhone et grâce aux caméras des appareils photo numériques compact, afin de reproduire le language visuel propre aux vidéos amateurs et de rendre le film hyper réaliste.

J’espère que les spectateurs sortiront de la salle satisfaits et déstabilisés. C’est le but. Contrairement à une histoire de fantômes qui ne vous fait peur que le temps du film, là c’est une histoire qui doit continuer à vous faire peur après le film. Ce sont des faits réels, concrets et on devrait peut-être y prêter plus d’attention. Au fur et à mesure que les personnages du film prennent conscience de la réalité et des conséquences de ces phénomènes, ils réagissent de manière émotive, psychologique ou pragmatique. Et j’espère que le spectateur se demande vraiment ce qu’il ferait à leur place. Au final, “The Bay” est une mise en garde. Une histoire qui distrait autant qu’elle dérange.

La baie de Chesepeake est le plus grand estuaire des Etats-Unis. Il se trouve sur la cote Est, et donne dans l’Océan Atlantique.

Historiquement, le mot Chesepiooc vient de l’algonquin signifiant 'bonne zone de pêche'. En effet, la baie était alors connue pour sa grande variété de poissons et de fruits de mer (en particulier les crabes, les huîtres et les anguilles), provoquant même la construction d’un type de bateau de pêche spécial, nommé Skipjack dédié à la récolte des huîtres. De nos jours, la baie est bien moins productive, à cause de la pollution venant des zones urbaines (principalement sur la rive ouest) et des cultures (de la rive est). La récolte annuelle de poissons et de fruits de mer se monte en moyenne à 40 000 tonnes par année.

Dans les années 1970, la baie connaît le triste privilège d’être le premier endroit de la planète déclaré marine dead zone, à savoir où l'hypoxie (manque d'oxygène) des eaux est tel qu’aucune vie ne peut s’y développer.

De grandes surfaces d’algues se forment, empêchant la lumière du soleil d’atteindre le fond des eaux. La perte de toute vie végétale a eu un lourd impact sur la faune maritime.

Les efforts combinés des gouvernements locaux et fédéraux ainsi que de la fondation Chesapeake Bay Foundation pour restaurer ou (tout du moins) maintenir la qualité de l’eau produisent actuellement des résultats mitigés, le principal problème venant du fait que la plupart des entreprises polluant les eaux de la baie se trouvent très en amont.