La vie de Vincent ne reprendra que lorsqu’il aura retrouvé le meurtrier de sa femme.
Sa voisine, Alice, est persuadée qu’elle le rendrait heureux.
Alors elle décide de fabriquer un coupable, pour que Vincent se venge et tourne la page.
Mais le coupable idéal n’existe pas… Le crime parfait non plus.
"J'ai vu de l’amour au fond de tes yeux
et même si c'est de l'amour qui vient de l'enfer,
j'en veux encore et encore".
Avec : Harvey Keitel, Emmanuelle Béart
Fiche complèteUn crime
Réalisateur : Manuel Pradal
Sortie en salle : 11-10-2006
Avec :
Harvey Keitel, Emmanuelle Béart
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Bande annonce
- 102 min
- France
- 2005
- 1.85
- Dolby Digital
- Visa n°112.707
Synopsis
La vie de Vincent ne reprendra que lorsqu’il aura retrouvé le meurtrier de sa femme.
Sa voisine, Alice, est persuadée qu’elle le rendrait heureux.
Alors elle décide de fabriquer un coupable, pour que Vincent se venge et tourne la page.
Mais le coupable idéal n’existe pas… Le crime parfait non plus.
"J'ai vu de l’amour au fond de tes yeux
et même si c'est de l'amour qui vient de l'enfer,
j'en veux encore et encore".
Crédits du film : © ARP SAS ~ ALICE LLC 2006
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Fiche artistique
Roger Harvey Keitel
Alice Emmanuelle Béart
Vincent Norman Reedus
Bill Joe Grifaso
Sophie Lily Rabe
Ashley Kim Director
Joe Brian Tarantina
Ben Patrick Collins
Will Chuck Cooper
Li Huang Clem Cheung
Baby-face Jonathan Lam
Scott Ted Koch
Jenny Natalie Caron
Chinese man Ben Wang
Mark Stephen Payne
Saleswoman Memory Lee Cook
Saleswoman Karen Lynn Gorney
Fiche techniqueProducteurs Michèle et Laurent Pétin
Une production ARP
En association avec Alice Productions
Mise en scène Manuel Pradal
Scénario Tonino Benaquista
Dialogues Manuel Pradal
Photo Yorgos Arvanitis
Décors Stephanie Carroll
Costumes Michael Clancy
Réal 2ème équipe Fred Nicolas
Montage Jennifer Augé
Son Ken Ishii
Maquillage Valérie Tranier
Coiffure Jean-Jacques Puchu-Lapeyrade
Coordination musicale Valérie Lindon
Producteurs exécutifs Lionel Closson
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Manuel
Pradal"A crime" à New YorkNY, NY ! Après la baie des anges, puis Naples et Stromboli, NY me semblait le voyage naturel : une grande fraternité avec Keitel, le retrouver dans son antre de NY, re-flirter avec sa propre mythologie et aller fouiller chez lui des choses inédites. Le faire rencontrer l'actrice la plus incandescente du cinéma français : Béart. Ne pas gâcher l'attente, le fantasme, le duo charnel et sombre, entre Brooklyn et Manhattan, crime et romance.
Métissage de l'équipe. Costumier irlando new-yorkais de James Gray, déco américaine de Ang Lee, son japonais de Jane Campion et image de Yorgos, le grec.
Goût des mélanges, comme Alice. Je pense que depuis mes débuts, ma petite fabrique de films n'a cessé d'expérimenter cela et de voyager pour cela. Le cinéma est ma route des épices à moi et NY cette fois sent le cumin et le paprika.
Keitel, Béart, NY ! La belle affiche ! Arvanitis, Benacquista…
A Paris beaucoup de producteurs en rêvent mais pourquoi tant de peur à sortir du territoire ? Les chaînes n'aiment pas les films en langue anglaise, les financiers ont peur de moi. Laurent et Michèle sont là. Pas froid aux yeux, de la passion, de l'orgueil et des idées à revendre pour maintenant affronter le rêve.
NY a perdu sa mythologie de la rue, des voitures, des quartiers ritals et chinois. Elle s'est, comme le reste du monde, uniformisée. Il ne s'agissait donc plus de célébrer cela. Je suis venu à NY comme dans une ville qui aurait perdu sa lumière, comme si un matin le soleil ne s'était plus levé. J'ai suivi un destin de déraison dans ce petit matin gris et Alice m'aura conduit jusqu'au corps de Roger, affalé au bord de l'autoroute, telle une pièce de gibier, encore chaude du sang de sa course.
NY est la ville de la solitude et de l'amour. J'aimerais connaître la vie de chacune de ces petites fenêtres éclairées, imbriquées dans toutes les géométries des tours fantômes.
Alice convoque en elle le diable pour sauver l'amour de Vincent. Mais on ne flirte pas avec le diable impunément. Le diable reviendra en chair et en os, il se présentera à elle, qui plus est amoureux d'elle, et elle devra coucher avec lui puis le tuer de ses propres mains pour s'en débarrasser.
C'est un peu Alice sous le soleil de Satan. Un soleil noir et acerbe comme les nuits de NY.
Je voulais un film modeste, très près des personnages, qui leur colle à la peau, rocailleux, âpre, cru où l'on sent la sueur, la pisse, et le sang. Des personnages solitaires, secrets, chacun traversé d'une folie d'amour ; Vincent, folie du souvenir de sa première femme assassinée, Alice folle amoureuse de son voisin au point de faire tuer un innocent pour que l'amour triomphe, et Roger fou d'amour au point de se " marier " avec celle qui aura voulu sa mort.
Alice à sa manière tombe amoureuse de sa victime, son sentiment devient trouble, est-ce une femme entre deux hommes et ne va-t-elle pas jusqu'au bout de son dessein pour se refuser à ce dilemme ? L'homme nauséabond qu'elle sacrifie, sous la grâce de cette fille qui lui tombe du ciel, devint beau, séduisant, sensuel et Alice se voit sacrifier un homme admirable. Le scénario était moins troublant, Emmanuelle choisit de ne pas choisir. Harvey a retrouvé son sex-appeal et Emmanuelle retarde le moment où elle s'en débarrassera.
" J'ai vu au fond de tes yeux de l'amour et même si c'est de l'amour qui vient de l'enfer, j'en veux encore et encore ". C'est Roger qui dit ça et ce pourrait être Harvey. J'aime la folie de cet homme qui ne veut pas croire au mensonge d'amour d'Alice et préfère recommencer sa vie avec elle comme si rien ne s'était passé. Elle a voulu le tuer, il veut la reconquérir. Ce rôle colle à la peau d'Harvey, cet amoureux transi et rebelle.
Je me fous du cinéma à NY, pas de voyage cinéphilique, je plonge dans cette ville comme un immigré, la démerde, les rescousses, la trouille, les ardeurs et les joies.
Faire un film, un an de permis de travail, tenter sa chance là-bas comme tant d'autres. Etre comme le dirait Tonino, quelqu'un d'autre, une autre peau, une autre vie.
C'est un film noir, crépusculaire et où pourtant, j'aimerais que l'amour triomphe. Nous en parlons avec Harvey au Jackson Hole de la Guardia. Ici a été tourné " Les affranchis ". Nous pensons que l'amour effectivement mérite bien quelques coups de pelle dans le coffre pour son succès. Une " happy end " oui, mais avec beaucoup de meurtres d'innocents.
Je ne rêve pas d'Hollywood.
Je pense toujours au kid de Chaplin et à sa manière de manger le sandwich d'un plus pauvre pour avoir moins faim. Alice quand elle décide de sacrifier Roger, juge que son bonheur à elle mérite bien le malheur de Roger. Roger, lui, quand il découvrira que cette histoire d'amour était tronquée, se dira qu'après tout, son bonheur à lui mérite bien qu'Alice fasse un peu semblant. La survie à NY est un mode de vie, les crimes et délits y sont plus pardonnés qu'ailleurs.
Alice comme une fée celte échangera le bonheur de Vincent contre le malheur de Roger. J'aime bien l'idée que l'amour soit une denrée rare, que tout le monde n'y ait pas droit et qu'il faille plonger quelques uns dans le malheur pour profiter de son bonheur. Je trouve cette cruauté très romanesque, surtout dans un pays comme l'Amérique qui célèbre la course individuelle au bonheur. On avait même envisagé avec Tonino d'écrire une histoire où chacun sur terre aurait un double nuisible, et que le sens de la vie serait de le trouver et de l'éliminer pour enfin accéder au bonheur. Cela nous faisait beaucoup rire.
Rentrer à Paris avant que le piège ne se referme sur nous, avant que NY ne nous ensorcelle.
NY est une ville fliquée, très dure pour qui s'aventure à contourner les interdits.
Le boomerang est interdit, considéré comme une arme. On s'entraînait donc dans des terrains vagues à Brooklyn.
Un des champions US, John Moleman, nous accompagne. Son record : huit minutes, avant que le boomerang ne revienne. Nos premières séances avec Harvey sont à mourir de rire car Harvey dans ces moments là est très sérieux et concentré, il veut tout connaître de la culture boomerang, caresse des centaines de boomerangs avant de choisir le sien. Au début, on a passé notre temps à récupérer ses boomerangs dans l'East River quand on ne recollait pas ceux qu'il avait brisés de rage. Puis ses premiers boomerangs sont revenus, le tournage approchait, Harvey avait accroché la peau de cet homme des toits, il ne la quitterait plus.
Interdiction bien sûr de lancer un boomerang au dessus du Brooklyn Bridge et de la cité financière. Nous avons pu trouver un immeuble tenu par la mafia chinoise qui nous a permis d'accéder à un point de vue exceptionnel sur NY. Harvey sent la ville, sa ville, battre sous sa paume. Plus rien ne le retiendra.
Courses de chiens interdites dans l'état de NY. Nous sommes bardés de représentants de la SPA. Le lévrier, dit-on, est le chien le plus con du monde et on a dû élever Vicky et sa doublure en quarante jours, tout droit sortis du cynodrome de Bridgeport (Connecticut) où ils n'ont rien connu d'autre dans leur vie que le leurre, un immense os de deux mètres qui glisse sur une rampe circulaire de stade. On a pris Vicky chez nous à Brooklyn et chaque fois qu'il voyait une voiture, il démarrait comme un malade, croyant y voir un leurre. Pas facile la vie d'artiste.
Vis-à-vis Vincent Alice. Vieil hôtel de NY, Midtown, avec un vis-à-vis sur un hôtel de charité publique pour les sortants de prison et schizophrènes. Longue négo avec la ville de NY. On a pu non sans mal aménager le petit intérieur coquet d'Alice dans cet immeuble. J'aime cette petite coquille de noix, soignée et carillonnante, ballottée dans les vents de la nuit. C'est ici, dans cette maison pas plus grande qu'un journal intime, qu'elle échafaudera son plan d'amour et de mort. Les schizophrènes se sont bien tenus. Emmanuelle ne craint personne, elle a un mot pour chacun. Yorgos entre chez les uns et les autres pour gagner un projo dans cette ville éteinte, et les rencontres en pleine nuit sont kafkaïennes.
Film au bout des forces. Quarante deux jours de tournage en apnée, dans des conditions très dures. Mais j'ai tendance à croire que, plus notre histoire sera proche des personnages, plus juste sera le film. Le crime se fera à mains nues. Le film aussi. Retrouver le charme pauvre, précaire, des amoureux de Chagall dans un NY tenté par Munch.
Emmanuelle, actrice toute en intuitions, face à un des monstres sacrés de l'Actor's Studio, tout en construction. Emmanuelle se fâche quand Harvey la prend sous sa coupe. Elle lui dit qu'elle se fout de l'Actor's studio. Blasphème, Harvey hésite, puis éclate de rire. Il aime le culot et la liberté d'Emmanuelle.
Lui qui a connu tant de partenaires d'exception me confiera qu'il est épaté par ce bout de femme.
Souvenir de lectures du script, dans le penthouse d'Harvey, dans la belle lumière de rentrée, sur l'Hudson River. Harvey et Emmanuelle, côte à côte sont beaux, je suis heureux que mon chemin des films, loin de Paris, m'ait conduit là.
Nous sommes piégés par les conditions hivernales, le régime des Unions qui essayait chaque jour de nous racketter, le plan de travail très serré qui ne laissait aucun recours, des quartiers de Brooklyn et du Queens où l'on ne pouvait rester très longtemps avant que les vols ne s'organisent. Vite, traverser NY comme une constellation cruelle et en ramener des poussières d'anges.
Je scrute dans les motels sordides, miteux, du Queens chaque chambre. J'aime quand les tapisseries transpirent des histoires diffuses, sordides, élégiaques.
Il s'agit de trouver un NY des cavernes, faire apparaître sur la patine des murs quelques traces rupestres, de joie, de sexe et de sang.
Je crois à la destinée, à la rencontre fortuite qui bouleverse les vies.
Alice aura réussi son premier meurtre dans une sorte d'innocence qui se joue des dangers et qui réussit l'impensable. Jamais elle ne prendra la froideur hitchcockienne. C'est l'humanité,
la première chose qui se lit sur le visage d'Emmanuelle, une humanité inquiète et joviale à la fois, hésitante puis déterminée, scrupuleuse et directe ; quand le meurtre se révèlera manqué, Emmanuelle voudra se faire pardonner dans un grand débordement tous ses crimes.
Alice ou Emmanuelle ? Roger ou Harvey ?
Combien de meurtres et d'amours qui jamais n'apparaissent à la lumière du monde ? J'aime l'idée que les petites gens accomplissent des choses hors normes et qu'ils demeurent dans l'anonymat le plus complet. Qu'ils n'aient pas même droit à la rubrique des faits divers. Le film se finit comme il se commence après une extraordinaire épopée humaine, un meurtre commandé, une résurrection, un enlèvement, un dernier meurtre, un secret avoué.
Accompagner Harvey dans son antre. On s'est connu et aimé sur " Ginostra ". Il y eut pour moi le Harvey d'avant " Ginostra " qui ressemblait sans doute à celui des vingt dernières années et celui d'après " Ginostra " quand il rencontra sa future épouse. Sa vie changea. Harvey sait que je connais les deux Harvey, et je crois qu'il m'aime pour ça. Harvey aime le bras de fer en toute chose puis les embrassades quand le combat est terminé. Harvey à NY, c'est le loup dans sa tanière, c'est une dégaine d'homme musculeux avec des tongs de kanake, la rue est son royaume, et NY son temple. On arpente NY tous les deux, il sait que j'aime ça, on parle de tout, tout chez Harvey est intéressant. Comment nos deux vies ont pu se rencontrer à ce point ? Mystère et boule de gomme (intraduisible en anglais).
Harvey adore le NY abrasif, pauvre de son enfance que nous avons retrouvé au Queens, à Brooklyn et dans quelques quartiers du bas de Manhattan.
J'aime cette humanité poisseuse, démunie, où les êtres n'ont d'autres ressources que de se coltiner le cœur d'à côté. Promiscuité suave, sueuse. Jamais la beauté de la ville ne fut mon aimant, seuls les cœurs à sonder. Harvey a le cœur qui n'en finit pas.
Harvey comme les grands acteurs américains semble avoir vécu tous ses films. Il me montre chez lui, dans un petit coffret secret, des photos de lui à 18 ans au Liban, quand il était marines; il ressemble à James Dean.
C'est un film crépusculaire, entre chien et loup. Ça en a pris tous les sens, un film où les êtres se suivent, puis se dévorent. Les américains ont un autre nom pour ce moment là : la magic hour !
Laurent et Michèle. Les derniers grands aventuriers de la production, qui ont financé le film à 100% avec leur money, comme autrefois, avant que les chaînes télé ne soumettent le cinéma. Nous avons la niaque de la gagne, ne boudons pas notre plaisir de faire sans les chaînes un cinéma qui n'a renoncé à rien. Michèle est une amoureuse. Des films, de NY, des rencontres, du travail. Laurent est un joueur. A se faire interdire. Car il joue gros, toujours très gros. Entre vie et mort. Et peu suivent.
Nos caractères des uns et des autres, enflammés, font parfois faire des étincelles, mais nous rêvons du même film. Nous nous serrons les coudes, fibre d'orgueil à faire un film en territoire américain qui ne serve pas la soupe à Hollywood. On veut nous le faire payer ? Go on ! Nous prenons des coups, le tournage est trop rapide. Je me dis que le film sera imparfait mais il aura du chien.
e voulais peu à peu ôter tous les chichis du polar et vite resserrer l'intrigue sur les enjeux humains, Alice est intrépide, elle n'a pas froid aux yeux, son cœur est mystérieux. Elle aime Vincent, mais si elle aimait aussi Roger ?
J'aimerais retrouver à travers elle, le charme et la sorcellerie de NY. En quelques coups de crayons car le temps est compté. Chaque plan doit être essentiel.
Emmanuelle. Si l'actrice m'a épaté, la femme m'a impressionné, par sa force, sa modestie, sa droiture, son courage.
" A crime " était le centième film de Yorgos et ce fut un bel anniversaire. Il me parle de son premier film préparé avec Elia Kazan. La lumière de NY l'hiver est métallique, nous ne voulons pas la réchauffer. Une lumière piquée, sans blanchiment, qui ne laisse pas poindre le jour, une lumière qui a du mal à ouvrir les yeux et qui avance à tâtons. Yorgos éclairera NY avec des bouts de chandelle, et les américains n'en croiront pas leurs yeux. Yorgos est un mystique, un lyrique, un va-t-en guerre. Bienvenue au club.
Chacun de mes personnages a un rêve fou, immense, et leur modestie cache la vanité des plus grandes espérances. Je les trouve à leurs manières très romantiques. Ce sont des petites gens, des marginaux, qui sont des gladiateurs de l'amour. Je rêverais qu'Alice tue Roger avec un glaive.
Nous sommes les premiers français je crois à avoir tourné un film Union entièrement à NY. Pas de studio, pas de décors de rechange à Toronto. Rien n'est fait à NY pour accueillir les productions indépendantes. Bien au contraire et il a fallu que nous soyons tous très expérimentés, rompus aux conditions extrêmes de tournage, pour nous en sortir. NY pour les films indépendants à cause d'un système de travail féodal qui vous rackette chaque jour en multipliant les postes est un vrai cauchemar. J'ai du sans cesse réduire la voilure pour finir à l'énergie en huit semaines de tournage. La solidarité des dix français de " l'expédition " a été notre force. Michèle et Laurent n'ont pas reculé devant les menaces et intimidations des Unions.
Laurent a une nature volcanique et enthousiaste, ombrageuse et enfantine.
Il veut croire aux rêves plus grands que ceux de ses collègues. NY, ma réputation controversée, le couple Béart Keitel, son geste fou de tout payer, lui donnent des ailes. Et des airs de conquête. Je lui fais découvrir les bas fonds de " A crime ". C'est la couleur qu'il voyait, on dîne sur Lexington, restau légendaire tenu par Elaine avec anecdotes sur Harvey, Bobby, Al Pacino. On est heureux.
Pas un film de genre, pas mon genre de film. L'humain très vite, le danger, l'audace des sentiments, le romantisme noir. Un film personnel, sur l'amour à mort, la vie comme un polar. Un tour de vis encore. Toujours plus près des corps et des coeurs. Enchaînés jusqu'au sang.
J'aimerais que " A crime " croque un NY d'équilibristes, où chacun des personnages s'accrochera à l'Amour, envers et contre tout. J'écris à Emmanuelle qu'elle sera la mante, amante et impératrice, souveraine et fragile, de ce jeu de l'amour entre trois " misfits ". Je me sens capable de donner à son visage, dans ce NY du froid, des ombres, des homeless, une incomparable beauté. Alice est comme le dirait Westlake un petit oiseau qui mourra en regardant encore le soleil briller sur San Diego. Rêve tenace, têtu, de l'amour roi. Emmanuelle me répond depuis Paris qu'elle fait ses valises, elle arrive.
J'ai écrit le film avec Tonino Benacquista, dans notre rêve commun d'un cinéma qui se frotte à sa propre mythologie, dans le goût des personnages marginaux, dans la jubilation d'une histoire qui se retourne et fait de chaque personnage un pris qui voulait prendre. Tonino voyage peu, je voyage beaucoup. Il reste plus près du récit, je suis tenté par la folie des personnages. Notre duo d'écriture est enfantin et cocasse
A Roosevelt Island, je vois les tours de Manhattan comme une armée de croix géantes; Vincent tuera l'homme qu'il a traqué, ici. Et de l'East River remontera le clapotis de l'eau comme une source que j'ai entendu dans ma prime enfance.
Je n'ai pas peur de l'excentricité d'une actrice française à NY. Parce que c'est Béart. Cette ville singulière réclame en Alice une étrangère, une fée venue d'ailleurs, car la fable n'aime pas tant les familles naturelles. Elle préfère les adoptions, et mieux encore, les miracles. Le miracle d'un visage, d'une voix plein de chagrin et de vitalité, d'une belle inconnue aux habitudes de Lexington Avenue.
A trois semaines du tournage, je pars à Toronto voir Harvey qui tourne, voir où en est son régime aussi. J'imagine pour " A crime " le visage émacié, et beau comme jamais d'Harvey, cheveux longs, col relevé, qui dans la brume, par dessus les toits, jette son boomerang comme une dernière gâche au bonheur.
Harvey se déssape devant moi, c'est " Bad Lieutenant " ! Je suis fou de joie. Il s'enthousiasme de ce nouveau corps, mais la joie ouvre son appétit, il mange au restau gâteau sur gâteau. J'ai peur de l'avoir félicité trop tôt.
Une nuit aux urgences avec Emmanuelle qui a eu un accident de tournage, on croit le bras cassé. Traversée, en ambulance de Brooklyn, Queens, Manhattan, ceinturés dans le cockpit. Ces sirènes que d'ordinaire, j'adore entendre hurler dans la nuit, je ne les entends pas même dans notre fourgon. Emmanuelle ne veut pas une clinique privée, l'hôpital public nous reçoit au milieu des latinos, black, réchappés des gangs. Emmanuelle en sortira gavée d'anti-douleurs ; elle plaisante encore, cherche une clope, coince son briquet sous son bras en écharpe. Cette fille est un miracle.
Décor de Roger. Tenu par des squatters qui y échangent du crack. Ils nous laissent un espace, nez à nez avec le métro aérien comme nous le voulions.
Scène d'amour, nous commençons à 5 heures du soir et finirons à 6 heures du matin. Je pense à celui (ou celle) qui rentre du boulot et aperçoit depuis le wagon furtivement ces deux corps enlacés et qui au petit matin les retrouvera dans le même plaisir et position. J'aimerais lui dire que c'est du cinéma pour ne pas le miner.
J'aurais aimé un ralenti pendant quelques secondes qui permette de voir les amants jouir et devant eux les travailleurs dans le métro qui rentrent du boulot. Deux mondes juxtaposés que seule la technique permet de surprendre ensemble et qui s'ignorent. La caméra de notre loueur n'a pas le ralenti. Je suis très remonté contre les américains et y vois un nouveau coup monté, une nouvelle pudibonderie de leur part. Nous aurions pu faire cela avec des effets spéciaux mais c'est tellement mieux en vrai. Quelquefois les métros s'arrêtent et les voyageurs se retrouvent nez à nez avec Emmanuelle et Harvey à poil devant leur vitre. C'est ça Brooklyn et j'adore ça. Vers 4 heures du matin, les métros se font rares, l'attente plus longue. Harvey toujours à poil continue des étirements pour garder la forme.
Thanksgiving, les américains nous ont lâchés pour leur dinde. On décide de tourner clandestinement, les dix français, avec Alice en chef de bande. On fait le mur.
C'est Alice au pays des merveilles, Alice dans le funiculaire, Alice qui traverse l'autoroute, Alice qui fait de l'auto-stop, Alice qui bloque toute la 7ième avenue sur quinze blocks et qui remonte à contresens, impériale en mini-jupe. Petite équipe, pas d'autorisation, pas d'Unions, la vraie liberté ! NY est à nous !
Fdr Drive et Brooklyn Bridge bloqués pour nous. Après une longue bataille de promesses de la ville puis de refus. Pour la première fois, je pense à tous ces films tournés ici. Nous sommes comme des funambules, suspendus sur les nacelles, nuit noire, pluie battante sur le cordon ombilical de Manhattan, et Manhattan, cette mère tranquille, nous regarde d'un drôle d'oeil, comme l'oeil sarcastique d'une autruche.
Filière arabe des taxis. Nous doublons les taxis des Unions hors de prix par des taxis amis et arabes avec un " ing " du son irlandais de Brooklyn, hors Unions, dans le coffre. Harvey voit le manège, et me dit qu'il va appeler Joe Pesci si je continue.
Orage sur Central Park en pleine nuit. Toutes les dix minutes nous devons redescendre les nacelles à vingt mètres de haut de peur que la foudre ne frappe un des nôtres. Yorgos reprend sa lumière à chaque fois. Central Park à 3 heures du matin ressemble aux romans de Chandler. Des étranges silhouettes, vagabonds, égarés, fugueurs, allumés, sortent du bois et s'approchent de notre buffet. Comme dans toutes les clairières du monde, les animaux s'observent ; drôle de mélange encore une fois. Moment de silence où les êtres ne se craignent plus. C'est l'heure de toutes les réconciliations.
7ème avenue, 50ième rue, au dessus de Times Square, seule partie de la ville qui nous renvoie un peu de jus. La grue se déporte au dessus de la circulation. Les new-yorkais n'aiment pas qu'on interrompe le flux de leurs business.
On a passé notre temps à Brooklyn et Manhattan nous demande de rentrer chez
nous ; on résiste un peu puis on plie bagage. Intérieur nuit taxi, ballade au son de Macéo Parker sur les quais de l'Hudson River.
Coney Island, course de lévriers clandestine sur la plage, avec les chinois. Les chiens sont cocaïnés et partent dans tous les sens. Notre chien qui a connu la domesticité des salons n'avance plus. On lui trouve une doublure qui gagne comme c'était écrit dans le script.
NY étend ses ramifications. Le métro aérien qui fit la célébrité de " French Connection " lacère Brooklyn, puis au fur et à mesure qu'on s'enfonce avec lui, NY ourle ses quartiers polack, juif, black, portoricain, jamaïcain. Cette ville n'en finit plus, le tiers monde ouvre ses portes, NY digère le pauvre et le riche, le laid et le beau, comme un ventre sans estomac.
A NY, les rencontres sont rapides, éphémères. Les visages s'attisent, s'attirent puis se perdent dans l'arythmie de la métropole. Célérité, scélérat. NY va vite et cache ses amants indignes.
Norman est " ma découverte ". Il a la nonchalance des new-yorkais qui bravent leur ville trépidante. Il survit à sa façon. Garçon des rues, voyou à Hollywood, il a la fragilité des anges déchus. Il aurait pu être un héros de Cimino, il a le physique des acteurs des années 70. Il joue comme un dieu. Il fait sa vie, avec la fragilité et l'inconstance des amoureux. Il plisse son regard quand on lui parle des films qu'il aurait pu faire et éclate de rire comme un héros de Kerouac en ouvrant une nouvelle bière.
Fred Nicolas, réal deuxième équipe, mon lieutenant français et compagnon de toutes les aventures. Il part la nuit traquer la lie de " A crime ". Il trouve des décors improbables, danse de toit en toit, plonge dans le NY de tous les péchés. Deux jours de prison après une semaine de repérages. Il me dit que les flics sont plus durs qu'à Barbès.
Nous sommes allés à Coney Island une nuit de tempête ramasser des troncs d'arbres échoués pour que Roger y sculpte ses boomerangs. Le plan de travail ne me laisse pas le temps de filmer cette scène.Les sculptures de bois trônent dans le décor de Roger. Je voyais bien ce chauffeur de taxi sortir de la panse de NY en fin de service, venir arracher aux ressacs de l'océan ces bouts de bois torturés par les flots. Venus comme beaucoup ici des rivages des caraïbes. Tant d'histoires de douleur avant que Roger du bout de ses doigts ne les fasse voler et chanter au dessus de Manhattan.
C'était NY avant qu'Alice ne lui tombe dessus.
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L'Humanité - La rencontre des deux étonnants animaux sexuels, Harvey Keitel et Emmanuelle Béart.
Les Inrocks - Un conte cruel, d'un romantisme noir, sur l'amour à mort.
Télé 7 Jours - Envoûtant, âpre, troublant.
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